Natation

"J'ai toujours su ce que je voulais" : rencontre avec Christine Caron, vice-championne olympique et première star des bassins


Christine Caron, les souvenirs d'une icône
Elle est la première femme à avoir porté le drapeau de la France aux Jeux Olympiques, à Mexico, en 1968. Rencontre avec Christine "Kiki" Caron dans un grand bain de souvenirs, là où tout a commencé...

La pluie fine se mêle au flot continu de ses plaisanteries, détrempe les surchaussures qui recouvrent ses Air Max multicolores. Depuis le bord de la piscine de la Croix-Catelan, où elle ira nager un peu plus tard en bousculant gentiment les bonnets de bain à l’allure tranquille, Christine Caron remonte la ligne de sa vie, négocie avec adresse les virages de son récit.

Plus de soixante ans fondent dans le grand bain de l’espace nautique qui porte son nom, devant le club house du très chic Lagardère Paris Racing, et soudain, c’est la môme de Montrouge qui émerge du passé sous le regard attentif d’une Suzanne Berlioux en baskets et jupe plissée.

Suzanne Berlioux, disparue en 1984, son entraîneur et sa deuxième maman, celle qu’elle appelait “Madame” et vouvoyait, celle qui lui a appris qu’on pleurait plutôt dans sa cabine que devant les gens et qu’il fallait voir, dans la vie, plus loin que le bout de son couloir.

"C'était le monde qu'on visait"

Le jour où elle a accompagné sa sœur Annie au Racing Club de France, vers ses 8 ans, ce jour où Mme Berlioux a dit à sa mère qu’elle "voulait aussi la petite", Kiki Caron était à des centaines de longueurs d’imaginer l’empilement de records, l’ours blanc qu’elle verrait au pôle Nord, les autobus que les foules de fans forceraient à s'arrêter, les lettres d’amour de Claude François et celles, venant de tous les pays, auxquelles elle répondrait avec ses copines d’une simple signature sur un bout de papier, et puis le Général de Gaulle qui lui dirait, lors d’une réception à l’Élysée :

Christine Caron… On vous voit plus souvent à la télé que moi, en ce moment. 

Elle ne veut pas "jouer les Cosette", Kiki, mais elle se souvient de cette gamine "toute maigrelette", fille d’un employé des PTT et d’une couturière, découvrant dans l’eau la possibilité d’une propulsion sportive et sociale. "Je suis très déterminée. J’ai toujours su ce que je voulais, même quand j’étais petite. J’ai toujours su qu’il n’y avait que moi qui pourrais faire quelque chose pour moi. Mais j’ai eu un encadrement très solide." Kiki se démarque très vite, bat de multiples records, "c’était à la pelle", liste-t-elle, "Île-de-France, France, Europe, mais nous, c’était le monde qu’on visait."

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Au début des années 1960, les filières sportives n’existent pas. Préparant les JO de 1964, Kiki suit un cursus normal, avec latin et couture, elle s’entraîne le midi dans une piscine où elle paie son ticket d’entrée et nage avec le public auquel Suzanne Berlioux crie de se pousser, le soir dans une autre, déjeune d’un sandwich, avale le lait chaud que sa mère lui a préparé dans un thermos, révise dans le métro.

À Tokyo, à 16 ans, alors qu’elle vient de battre le record du monde du 100 m dos, elle décroche l’argent derrière l’Américaine Cathy Ferguson, avec un temps d'1 min 07 s 9, et n’en garde aucune amertume. "J’aurais pu avoir une médaille en chocolat comme d’or ou de bronze. C’était serré, mais c’était rien, à l’époque…"

Entre 1964 et 1968, Christine Caron a eu "une vie incroyable", collectionnant souvenirs et rencontres. Elle raconte l’Afrique du Sud, l’Ouzbékistan, le checkpoint pour passer en Allemagne de l’Est, la limousine et l’hélico à New-York après que la "petite Française en mini-jupe" leur a montré de quoi elle était capable.

À vingt ans, Kiki hésite à se rendre à Mexico : 

Je voulais arrêter. Les carrières étaient brèves. C’était dense et tu ne gagnais pas d’argent. Moi, on me proposait plein de trucs, je voulais travailler, mes parents n’avaient pas de sous… 

L’icône qu’elle était revient sans médaille, mais avec la fierté d’avoir porté le drapeau français, "fringuée comme une princesse" et marchant au pas. "J’ai ouvert cette voie aux femmes. Les journalistes du monde entier venaient me voir… Tout juste s’ils ne me touchaient pas pour voir si j’étais normale !"

Et après ? Film en Italie, mannequinat, dessins de mode, chanson, peinture, Paris-Dakar, rallyes sur glace, relations publiques… "Je faisais tout", résume-t-elle, "j’étais payée et je m’éclatais. Moi, je ne suis pas héritière, je me suis construite toute seule. J’y allais." Puis vint le business des piscines pour particuliers, "qui a marché du feu de Dieu. Et à 60 ans, j’ai tout revendu." À présent, elle voyage, et son petit-fils lui assure qu’elle "déchire."

Au Racing, Kiki est toujours chez elle. Si elle dit "commencer à faire partie des vieilles breloques", on n’en croit pas un mot. "Il y a quand même des plus vieux que moi", ajoute-t-elle, sourire en coin. 

"J’arrive, j’arrive !", lance-t-elle à une nageuse. Une bise d’adieu, un mot taquin sur la photo qu’elle espère chouette, "sinon ça va barder", et Christine Caron, qui sait très bien prendre la vague de son temps, repart vers le bassin qu’elle n’a jamais vraiment quitté.

Quelques dates

Naissance en 1948 : À la suite de sa sœur Annie (qui a participé aux JO de Rome en 1960), elle entre au Racing Club Français, sa "deuxième famille. Quand je suis arrivée ici, j’ai senti qu’il allait se passer quelque chose", dit-elle. "Et ça ne s'est pas démenti." Elle y nage encore trois fois par semaine.

JO de Tokyo, 1964 : Elle obtient la médaille d’argent du 100 m dos. Elle est championne d’Europe en 1966.

JO de Mexico, 1968 : Elle porte le drapeau de la délégation française. Tout un symbole, après les revendications de mai 1968. "Et je reçois encore du courrier !"

Texte et vidéo Alice Forges

Photos Christophe Masson et photos d'archives fournies par Kiki Caron


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4 commentaires

gogo a posté le 14 mars 2024 à 07h53

quelle belle sportive et meme à son age elle est trés bien !!

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François a posté le 08 mars 2024 à 10h46

À Montrouge j étais un de ses supporters Sympa et très pro Bravo à elle

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