Elle fait partie des plus belles images du Cantal. Un pont suspendu à travers la Cère et une vue directe sur la falaise qui marquent l’entrée des gorges, juste en amont de Vic. Plusieurs générations de Cantaliens et de touristes en ont profité mais il n’est pas sûr que cette splendide photographie résiste au mois de juin.
Car pour accéder au site depuis le parking de Salvanhac, il faut longer un pré.
Jusqu’ici, une convention liait une famille et la communauté de communes de Cère et Goul en Carladès. Ils autorisaient le passage des promeneurs. Terminé. Trop d’ennuis, alors qu’ils mettent des vaches, veaux, chevaux et poulains en pâture juste à côté. « Ils en ont ras-le-bol d’avoir des gens qui rentrent chez eux », décrit Antoine Grichois, maire de Badailhac, qui a repris ces dernières semaines des négociations qui durent depuis près d’un an pour tenter de sauver l’été.Le risque de voir l’accès au pas de Cère se fermer par le bas est concret. Il n’y a pas d’alternatives, de ce côté-là. Cela forcerait tout le monde à passer par le haut, depuis Thiézac, par un chemin aménagé, mais avec une très forte pente.
Pour éviter les accidents sur les crêtes, il va falloir apprendre à partager le Cantal...
« La communauté de communes compte sur le site, c’est le phare de Vic-sur-Cère… mais c’est très fragile », soupire l’élu. Aujourd’hui, il propose aux propriétaires « d’entretenir, de passer du temps, de réparer au printemps, de mettre de la signalétique, comme c’était prévu à l’origine. Il est évident que l’on n’a pas fait ce qu’il fallait faire. »
Le couperet pourrait tomber.
C’est toute la complexité des rapports entre une collectivité qui veut faire découvrir son territoire et des propriétaires qui sont chez eux…
Le problème ne concerne pas que la vallée de la Cère. Le GR400 a été dévié, il y a quelques années, au-dessus de Laveissière, dans le secteur du puy de Seycheuse : les propriétaires d’un buron ne voulaient plus voir personne devant leur porte. « C’est venu de négligences de la part des randonneurs », regrette Pierre Marandon, le responsable des itinéraires pour le comité départemental de randonnée pédestre.La sanction est immédiate, coûte plusieurs kilomètres et plusieurs centaines de mètres de dénivelé positif : l’itinéraire doit descendre de la crête jusqu’au fond de la vallée de l’Alagnon, pour remonter ensuite une fois la propriété passée. Un autre itinéraire est à l’étude, moins coûteux en temps, mais les dégâts sont là.
Un circuit de Grande randonnée de 180 km sera accessible en 2025 dans le Carladès
« C’est une difficulté qui plane au-dessus de notre tête, explique Pierre Marandon. Dès qu’on le peut, on essaye d’éviter d’avoir des conventions. » Il s’agit alors de rouvrir d’anciens chemins dont le tracé existe encore ou, s’il passe au milieu d’une prairie, de proposer aux éleveurs de le déplacer le long de la clôture…
Garder le contact, la discussion ouverte, entre d’un côté les touristes et de l’autre les agriculteurs, n’est pas une mince affaire… En 2022, Julien Valet, alors berger de l’estive ovine du puy Mary, avait installé de la signalétique pour indiquer aux randonneurs où était le troupeau. Déjà bien occupé à protéger les brebis du loup, il avait retrouvé ses panneaux tagués :
La montagne n’est pas à toi ! Crève la faim.
Laurent Bouscarat, directeur de la Coptasa et d’Auvergne estives, a également eu ce genre de problématique à gérer à Pradiers. Là-bas, 1.200 hectares de Cézallier accueillent 2.500 vaches l’été. Les prairies sont encore accessibles à tous, mais les bergers, sur place, ont envisagé de les fermer après qu’un groupe de motards a dispersé les animaux et provoqué des dégâts…Il est intervenu pour éviter l’écueil. « L’idée, c’est de ne pas fermer les territoires, réaffirme-t-il. Les agriculteurs ne sont pas contre le tourisme. On retient quand il y a un blocage, mais pour arriver là, il y a eu de mauvais comportements… »
Pour éviter les embâcles, il mise sur la pédagogie. « Il faut expliquer pour faciliter le multi-usage. C’est souvent un manque d’information : il faut tenir le chien en laisse, ne pas aller caresser le patou… » Ou, tout simplement, fermer une clôture après être passé.
« Le Cantal est une montagne habitée, rappelle Audrey Legallais, directrice du Grand site du puy Mary. On travaille sur tout le volet agricole, sur le relationnel. On installe également des passages d’échelles autour des clôtures afin d’éviter que les randonneurs n’aient à ouvrir une porte… »Auvergne estives met à disposition une signalétique, reprise de ce qui se fait déjà, notamment dans les Pyrénées. Le réseau pastoral Auvergne-Rhône-Alpes fait la promotion du site pasto-kezako.fr, lancé cet automne, et qui explique simplement le comportement à adopter en montagne. « Nous formons des ambassadeurs, notamment parmi les offices du tourisme, assure Laurent Bouscarat. Contrairement à nous, ils sont directement en contact avec les touristes. »
Des petites actions pour éviter qu’un grain de sable, un mauvais comportement ponctuel parmi les 500.000 visiteurs du Grand site, ne vienne se loger dans la machine. Si celui-ci arrive malgré tout, il s’agit d’éviter de laisser la situation s’enkyster, traiter le problème rapidement. « C’est notre rôle d’être sur le terrain, affirme Audrey Legallais. L’idée, c’est de proposer une alternative, avant d’arriver au blocage. »
Car c’est tout le modèle économique du tourisme estival dans le Cantal qui repose sur cette relation fragile entre les agriculteurs qui entretiennent le paysage et ceux qui viennent en profiter…
Pierre Chambaud
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20 commentaires
Max Mustermann a posté le 11 mai 2024 à 20h48
Vu de mes yeux vu, un 4x4 immatriculé 75 avec deux bon gros parisiens dedans, sur un chemin d'Estive vers Allanche, qui s'amusaient à courser les veaux Salers en rigolant comme des noeuds. Sermonnés, ils ont répondu par des doigts d'honneur. Jusqu'à ce qu'un coup de fusil se fasse entendre au loin et ne les fasse détaller la queue entre les jambes. Courageux ces idiots, mais avec une limite...
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Lecteur a posté le 10 mai 2024 à 10h33
Je comprends tout à fait les propriétaires. Mais je nuance : il n'y a pas que les touristes qui ne respectent rien ! Chez moi, 4 kms de la route pour accéder à mon portail, chemin communal goudronné de 2.5m de large. Tous les week-ends je retrouve touristes ou "voisins" sur les propriétés privées qui bordent le chemin pour cueillette ou autre car "c'est très joli et c'est la nature donc à tout le monde"(panneaux privé tous les 250m). Tous les lundis, je ramasse les poubelles laissées par ces mêmes gens venus picniqué pour profiter de la vue !! Donc les touristes oui, mais pas qu'eux !
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Mo a posté le 10 mai 2024 à 06h49
Moi ce qui m'agace dans cet article, c'est qu'à aucun moment il est stipuler que c'est les touristes qui doivent faire des efforts alors que c'est pourtant bien eux le problèmes non ?!?!! Toujours aux agriculteurs de s'adapter, de dire oui, de faire des concessions, etc etc... Et donc de faire des efforts, pendant que les touristes qui respectent toujours rien eux sont tranquilles, même pas inquiétés en cas d'incivilités, ça va 5min... Perso cela ne m'étonnes absolument pas qu'ils ferment les chemins à force... Et j'ai l'impression que la mairie et la com com de la bas ont tendance à bien vite se reposer sur les paysans justement, faudrait limite qu'ils fassent l'accueil et les guides aussi presque à les écouter ceux de la com'... ????? Bon courage à tous ces agriculteurs en tous cas, car hélas des incivilités avec les gens qui vont avec, y'en a de plus en plus.... ??
Louis a répondu le 10 mai 2024 à 23h27 C'est pas tours les touristes qui ne respectent rien c'est une infime minorité, mais des qu'il y en a un qui ne respecte pas évidemment ça se verra tout de suite ( par ex déchets dans la nature ) même si il y en auras 100 qui seront passés avant et qui n'auront rien dégradé. Il faut favoriser le dialogue et mètre en place des règles contre les dégradations et SURTOUT des sanctions afin de dissuader les gens prenez l'exemple de la suisse, une connerie = ammende donc incident diminuent.le problème n'est donc pas forcément les touristes ou promeneurs mais le manque de moyen
Darlet Remy a répondu le 10 mai 2024 à 17h41 Commentaire entièrement partagé.
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Robert Robichet a posté le 09 mai 2024 à 21h40
Il faut laisser le choix aux touristes: 22, 12, ou gros sel. Renforcez les droits de la propriété privée.
Hergebel Octave a répondu le 11 mai 2024 à 07h38 @robertmichet La pensée par les armes ? C'est un truc de Néandertalien ça ! Vous pouvez mieux faire.
Louis a répondu le 10 mai 2024 à 23h20 La montagne n'est pas a toi, elle est a personne,c'est une petite minorité sur une grande majorité de promeneurs ( touriste ou pas ) qui ternissent l'image de ceux - ci mais il ne faut pas être parano et juste metre des règles en place sans ça c'est impossible de s'en sortir
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Tonton 63 a posté le 09 mai 2024 à 11h45
Les pseudos amoureux de la nature en grande partie ne la respectent pas et laissent lors de leurs passages de trop nombreuses traces qui témoignent de leur m'enfoutisme des autres.
Louis a répondu le 10 mai 2024 à 23h29 Tout a fait vrai mais souvent les vrais " amoureux " de la nature ne font pas ce genre d'incidents il s'agit surtout et souvent de touristes venu de grandes villes faisant leur excursion " pleine nature " anuelle
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Hamilcar Barca a posté le 09 mai 2024 à 10h42
Au de l'article, il semble s'agir des Gorges du Pas de Cère, et non pas des Gorges de la Cère, lesquelles vont en gros de Laroquebrou à Laval de Cère (GR652). Elles sont bien moins fréquentées que les premières, qui sont à qq centaines de m de la N122. Précision qui ne change rien au PB décrit dans l'article!
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Leon a posté le 09 mai 2024 à 09h58
Malheureusement les gorges de la cére sont a l abandon ,le nombre d arbres tombés qui encombrent le fond des gorges est impressionnant a tel point que la rivière disparaît,et que le site a perdu tout attrait,le seul passage restant visible et la fin des gorges avec sa falaise.qui est responsable le propriétaire des gorges,le conseil général,la mairie.malheureusement de plus en plus de site dans notre département deviennent inaccessible fauté d entretien,cascade du cornilhou, de chambeuil Dans ces cas-là ce n'est pas de la responsabilité des randonneurs
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jf a posté le 09 mai 2024 à 09h49
hélas, le tourisme vert apporte les malheurs de la cité. La preuve s'affiche par les tags que l'on découvre dans les lieux les plus reculés. les incivilités se retournent contre la nature elle mème (feux, détritus, camping , dégradation des clôtures) La gendarmerie doit maintenant patrouiller au bas du Puy de Dôme durant la belle saison. On semble enfin tourner la page d'une tolérance qui se voit dépassée par la réalité. les partisans de la pédagogie devraient s'inspirer des réalités de la cité qui ne font qu"anticiper une suite devenue inéluctable quand l'éducation fait défaut.
Fanf 63 a répondu le 09 mai 2024 à 19h50 Dans les 11 parcs nationaux de France, Outre Mer compris, ça ne rigole pas. Les gardes assermentés font respecter les règlements. Si dégradations, chiens non tenus en laisse, campement à moins de 1h de marche d'une route, feux ou autre, c'est l'amende assurée
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Juphie a posté le 09 mai 2024 à 08h56
C'est une évidence, les comportements de ces consommateurs de la nature, sont identiques à celui des alpinistes au Népal. Ils consomment la nature, jettent leurs poubelles, cassent ou abiment suivant leurs envies et réclament le libre accès, au titre que la nature est a tout le monde. Nos élus se feront bientôt un plaisir de goudronner les GR, à défaut de protéger cette nature et ces acteurs-habitants.
Louis a répondu le 10 mai 2024 à 23h32 Oui en effet la nature n'appartient a personne jusqu'à preuve du contraire. Cependant ce n'est pas la majorité qui causent ces problèmes le problème vient surtout du manque de communication et de moyen mis en place pour prévenir ce genre de comportement comme des sanctions des règles etc il faut privilégier le dialogue au lieu de vouloir se renfermer
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Fanf 63 a posté le 09 mai 2024 à 08h36
Certains touristes n'ont vraiment aucune éducation. Mouchoirs et papiers jetés sur les sentiers et en dehors des sentiers. Piétinement de la végétation. Et ce n'est pas que dans le Cantal ! Faut voir les tours de lacs, le Chambon, Aydat, le Montcineyre. Même surveillé par les gardes Nature, le Servières ainsi que le Guéry propriétés du Conseil Départementale n'y échappe pas.
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Juju a posté le 09 mai 2024 à 08h20
Je vois trop de chemins se refermés soit naturellement car non entretenus et/ou insuffisamment empruntés, soit volontairement par des propriétaires alors qu’il s’agit de chemins communaux ou autres. Oui il y a quelques incivilités de promeneurs mais se cacher derrière cela pour soit être "tranquille" soit pour gagner un peu de surface, c’est nuire à l’avenir touristique du Cantal. D’autres territoires gèrent beaucoup mieux ces usages partagés, comme le Jura par exemple.
Louis a répondu le 10 mai 2024 à 23h40 Rat des chants belle généralité confirmant en effet ta phrase précédente... Car en effet ce n'est pas parceque 1 personne sur 100 commet des dégradations que tout les écolo sont des " conquistador " car les vrais " écolo " ne sont pas ceux qui dégradent la nature. Il faut juste mettre des sanctions contre les mauvais. Tout le monde devrait être libre d'aller où il veut dans la nature du moment qu'il la RESPECTE et c'est assez prétentieux de penser qu'un bout de celle- ci puisse appartenir a un quelconque agriculteur
Rat des champs a répondu le 09 mai 2024 à 12h37 L’avenir touristique? C’est quoi un touriste pour vous? Un gros … prétentieux qui vient en conquistador apprendre à vivre à ces "gros ploucs" de ruraux. Ce.celle.ces écologiste(s) imbu.e.s de eux.elle(s) même(s) qui save.nt tout sur tout mais ne font jamais rien.
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