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"Ils en ont ras-le-bol" : dans le Cantal, des propriétaires interdisent les chemins face aux mauvais comportements

"Ils en ont ras-le-bol" : dans le Cantal, des propriétaires interdisent les chemins face aux mauvais comportements
« L’idée, c’est de ne pas fermer les territoires. Les agriculteurs ne sont pas contre le tourisme. On retient quand il y a un blocage, mais pour arriver là, il y a eu de mauvais comportements… » © Jérémie FULLERINGER

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Si les paysages du Cantal représentent un atout majeur du département pour le tourisme et l’économie, l’accès aux crêtes est extrêmement fragile. Face aux mauvais comportements, des agriculteurs sévissent, fermant l’accès à leur parcelle. C’est l’inquiétude du moment dans le bas des gorges du pas de Cère.

Elle fait partie des plus belles images du Cantal. Un pont suspendu à travers la Cère et une vue directe sur la falaise qui marquent l’entrée des gorges, juste en amont de Vic. Plusieurs générations de Cantaliens et de touristes en ont profité mais il n’est pas sûr que cette splendide photographie résiste au mois de juin.
Car pour accéder au site depuis le parking de Salvanhac, il faut longer un pré.

Des panneaux dégradés pour... critiquer la présence des brebis sur le territoire du Grand site du puy Mary dans le Cantal

Jusqu’ici, une convention liait une famille et la communauté de communes de Cère et Goul en Carladès. Ils autorisaient le passage des promeneurs. Terminé. Trop d’ennuis, alors qu’ils mettent des vaches, veaux, chevaux et poulains en pâture juste à côté. « Ils en ont ras-le-bol d’avoir des gens qui rentrent chez eux », décrit Antoine Grichois, maire de Badailhac, qui a repris ces dernières semaines des négociations qui durent depuis près d’un an pour tenter de sauver l’été.Le risque de voir l’accès au pas de Cère se fermer par le bas est concret. Il n’y a pas d’alternatives, de ce côté-là. Cela forcerait tout le monde à passer par le haut, depuis Thiézac, par un chemin aménagé, mais avec une très forte pente.

Pour éviter les accidents sur les crêtes, il va falloir apprendre à partager le Cantal...

« La communauté de communes compte sur le site, c’est le phare de Vic-sur-Cère… mais c’est très fragile », soupire l’élu. Aujourd’hui, il propose aux propriétaires « d’entretenir, de passer du temps, de réparer au printemps, de mettre de la signalétique, comme c’était prévu à l’origine. Il est évident que l’on n’a pas fait ce qu’il fallait faire. » 

Le couperet pourrait tomber. 

C’est toute la complexité des rapports entre une collectivité qui veut faire découvrir son territoire et des propriétaires qui sont chez eux…

Le problème ne concerne pas que la vallée de la Cère. Le GR400 a été dévié, il y a quelques années, au-dessus de Laveissière, dans le secteur du puy de Seycheuse : les propriétaires d’un buron ne voulaient plus voir personne devant leur porte. « C’est venu de négligences de la part des randonneurs », regrette Pierre Marandon, le responsable des itinéraires pour le comité départemental de randonnée pédestre.La sanction est immédiate, coûte plusieurs kilomètres et plusieurs centaines de mètres de dénivelé positif : l’itinéraire doit descendre de la crête jusqu’au fond de la vallée de l’Alagnon, pour remonter ensuite une fois la propriété passée. Un autre itinéraire est à l’étude, moins coûteux en temps, mais les dégâts sont là.

Un circuit de Grande randonnée de 180 km sera accessible en 2025 dans le Carladès

« C’est une difficulté qui plane au-dessus de notre tête, explique Pierre Marandon. Dès qu’on le peut, on essaye d’éviter d’avoir des conventions. » Il s’agit alors de rouvrir d’anciens chemins dont le tracé existe encore ou, s’il passe au milieu d’une prairie, de proposer aux éleveurs de le déplacer le long de la clôture…

Garder le contact, la discussion ouverte, entre d’un côté les touristes et de l’autre les agriculteurs, n’est pas une mince affaire… En 2022, Julien Valet, alors berger de l’estive ovine du puy Mary, avait installé de la signalétique pour indiquer aux randonneurs où était le troupeau. Déjà bien occupé à protéger les brebis du loup, il avait retrouvé ses panneaux tagués :

La montagne n’est pas à toi ! Crève la faim.

Laurent Bouscarat, directeur de la Coptasa et d’Auvergne estives, a également eu ce genre de problématique à gérer à Pradiers. Là-bas, 1.200 hectares de Cézallier accueillent 2.500 vaches l’été. Les prairies sont encore accessibles à tous, mais les bergers, sur place, ont envisagé de les fermer après qu’un groupe de motards a dispersé les animaux et provoqué des dégâts…Il est intervenu pour éviter l’écueil. « L’idée, c’est de ne pas fermer les territoires, réaffirme-t-il. Les agriculteurs ne sont pas contre le tourisme. On retient quand il y a un blocage, mais pour arriver là, il y a eu de mauvais comportements… »

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Pour éviter les embâcles, il mise sur la pédagogie. « Il faut expliquer pour faciliter le multi-usage. C’est souvent un manque d’information : il faut tenir le chien en laisse, ne pas aller caresser le patou… » Ou, tout simplement, fermer une clôture après être passé. 

« Le Cantal est une montagne habitée, rappelle Audrey Legallais, directrice du Grand site du puy Mary. On travaille sur tout le volet agricole, sur le relationnel. On installe également des passages d’échelles autour des clôtures afin d’éviter que les randonneurs n’aient à ouvrir une porte… »Auvergne estives met à disposition une signalétique, reprise de ce qui se fait déjà, notamment dans les Pyrénées. Le réseau pastoral Auvergne-Rhône-Alpes fait la promotion du site pasto-kezako.fr, lancé cet automne, et qui explique simplement le comportement à adopter en montagne. « Nous formons des ambassadeurs, notamment parmi les offices du tourisme, assure Laurent Bouscarat. Contrairement à nous, ils sont directement en contact avec les touristes. »

Des petites actions pour éviter qu’un grain de sable, un mauvais comportement ponctuel parmi les 500.000 visiteurs du Grand site, ne vienne se loger dans la machine. Si celui-ci arrive malgré tout, il s’agit d’éviter de laisser la situation s’enkyster, traiter le problème rapidement. « C’est notre rôle d’être sur le terrain, affirme Audrey Legallais. L’idée, c’est de proposer une alternative, avant d’arriver au blocage. »

Car c’est tout le modèle économique du tourisme estival dans le Cantal qui repose sur cette relation fragile entre les agriculteurs qui entretiennent le paysage et ceux qui viennent en profiter…

Pierre Chambaud


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20 commentaires

Max Mustermann a posté le 11 mai 2024 à 20h48

Vu de mes yeux vu, un 4x4 immatriculé 75 avec deux bon gros parisiens dedans, sur un chemin d'Estive vers Allanche, qui s'amusaient à courser les veaux Salers en rigolant comme des noeuds. Sermonnés, ils ont répondu par des doigts d'honneur. Jusqu'à ce qu'un coup de fusil se fasse entendre au loin et ne les fasse détaller la queue entre les jambes. Courageux ces idiots, mais avec une limite...

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Lecteur a posté le 10 mai 2024 à 10h33

Je comprends tout à fait les propriétaires. Mais je nuance : il n'y a pas que les touristes qui ne respectent rien ! Chez moi, 4 kms de la route pour accéder à mon portail, chemin communal goudronné de 2.5m de large. Tous les week-ends je retrouve touristes ou "voisins" sur les propriétés privées qui bordent le chemin pour cueillette ou autre car "c'est très joli et c'est la nature donc à tout le monde"(panneaux privé tous les 250m). Tous les lundis, je ramasse les poubelles laissées par ces mêmes gens venus picniqué pour profiter de la vue !! Donc les touristes oui, mais pas qu'eux !

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